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L'avenir servi sur un plateau

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La divination chez les YorubaCC CommonRollebon (talk) and Commons

L’aire culturelle des Yoruba comprend plus de 25 millions de personnes et couvre des régions de l’actuel Nigéria, Bénin et Togo. Comme dans de nombreuses régions d’Afrique, la divination y fait partie intégrante du quotidien. Le système de divination des Yoruba est la divination Ifa, qui s’appuie sur un corpus littéraire, l’Odu composé de 256 volumes eux même divisés en vers. Chaque volume a sa propre signature, combinaison de 8 figures obtenues à l’issus de la consultation divinatoire. Ce type de divination, basé en partie sur les mathématiques, est appelé géomancie.

Les Yoruba ont de nombreuses divinités ou orisha. Parmis elles, Ifa incarne la sagesse et est le seul connaisseur du passé, du présent et du futur. Lors de la séance de divination, le devin ou babalawo, entre en contact avec lui via Eshu, orisha messager, qui fait le lien entre les hommes et les dieux. La consultation d’Ifa permet au babalawo de donner des réponses et des conseils aux Yorubas qui le consultent.

 

Le Babalawo

Le devin appelé babalawo, est la personne en charge de la séance de divination. Il a reçu un héritage familial de ses parents ou grands-parents. Sa pratique est le fruit de plusieurs années de formation spirituelle et culturelle, dont la transmission s’est faite bien souvent de façon orale. Il est respecté car très instruit et véhicule la mémoire de la civilisation Yoruba.

Le babalawo est consulté tout au long de la vie. A la naissance d’un enfant, il permet de savoir à quel orisha il est rattaché et quel ancêtre le guidera. Il est aussi solicité pour savoir si l’Ifa est favorable à une union, à un voyage ou encore au choix d’une date de cérémonie…

Contrairement aux sorciers dont il possède aussi les pouvoirs, le babalawo les utilise afin de conseiller les hommes, dans un but de recherche du bien et de la paix sociale.

 

 

 

Présentation de la boîte de divination

La boîte de divination est au centre de la consultation divinatoire. Elle assure deux fonctions généralement distinctes : la partie supérieure est le plateau de divination sur lequel est pratiqué le rituel, tandis que la partie inférieure permet de conserver les noix de palme et autres objets pouvant intervenir lors de la consultation.

Sa forme ronde symbolise la conception des Yorubas du cosmos comme une calebasse fermée. Le centre du plateau assure la connexion avec le ciel et les divinités. Sur les bords du plateau est sculptée la figure d’Eshu.

La boite est en bois, matériau facile à sculpter et abondant. L’espèce du bois n’est pas déterminée, mais son choix a certainement été motivé par la symbolique associée aux essences de bois.

 

 

 

 

 

 

 

 

Boite de divination Ifa, XXème siècle, Nigéria, aire culturelle des Yoruba, bois sculpté, collection Musée des confluences MHNL 2013.10.5

 

Quels sont les objets renfermés dans la boîte ?

Il existe deux types de divination Ifa:

  • la divination par les noix de palmes
  • la divination par le chapelet

Chaque type de pratique est associé à un ensemble d'objets qui sont rangés dans la boîte en vue de la prochaine séance de divination. Par exemple, la boîte présentée ici contient un ensemble de vingt noix de palmes, deux graines et quatre coquillages.

 

Fruits et graines :

Pour la divination par les noix de palmes, seize noix sont généralement utilisées en relation avec les seize branches du palmier d’Ifé, capitale et centre du monde dans la mythologie Yoruba. Ici, quatre noix excédentaires sont présentes et pourraient être conservées en cas de perte ou de dommage. Les noix appartiennent à la famille des Arecacaea (ou Palmacées), largement répandue dans la zone intertropicale et très représentée sur le territoire Yoruba. Parfois, des cauris sont utilisés à la place des noix de palme. Ci-dessous les noix de la boîte et celles d'une espèce proche sont présentées.

 

 

 

 

 

 

Noix de palme associées à la boîte de divination comparée à celle d'Elaeis guineensis (collection ENS Lyon).

 

Les deux graines entières de couleur sombre pourraient faire partie d’un chapelet de divination, utilisé dans le second type de divination, mais cette théorie est incertaine. Un fragment de graine est aussi présent et le simple examen externe des graines ne permet pas de donner d’identification précise. Cette boîte renferme donc une part de secrets, qui pourraient néanmoins être démystifiés par des études biologiques…

Graines et fragments de graines associés à la boîte de divination

 

Coquillages :

Deux des quatre coquillages associés à la boîte de divination sont des mollusques de la famille des Cypraeidae. Leur blancheur évoque la pureté et leur abondance dans les mers chaudes et peu profondes ont favorisé leur utilisation comme monnaie d’échange. Au début de la cérémonie de divination Ifa, le consultant adresse sa question à une pièce ou à l’un de ces coquillages, symbole de richesse. Les deux Cypraeidae sont percés et pourraient donc aussi être utilisés sur une chaîne divinatoire.

L’étude morphologique des deux autres coquillages laisse à penser que l’un appartiendrait à la famille des Veneridae et l’autre à la famille des Cardiidae. Leur forme de coque serait un critère de choix pour leur utilisation dans le rituel de divination. En effet dans la divination par le chapelet, le devin interprète les figures laissées par le lancé sur le plateau d'un chapelet à huit composants : une trace simple si l’objet tombe sur sa face convexe, double s’il tombe sur sa face concave. Ainsi des coquillages ou des demi noix sont souvent employés.

Ci-dessous les coquillages de la boîte sont comparés à d'autres d'espèces proches.

 

 

 

 

 

Coquillages de la boîte de divination

Cypraea moneta (à gauche) et Cypraea lynx (à droite), collection ENS de Lyon.

Chamelea gallina (à gauche) et Acanthocardia tuberculata (à droite), collection ENS de Lyon.

 

La divination Ifa, déroulé de la séance de divination

Lors de la consultation du babalawo, l’interrogateur se positionne face à lui, le plateau de divination entre eux. La figure d’Eshule messager, est orientée face au devin. Le babalawo recouvre le plateau de la boîte de divination d’une poudre de bois ou de farine. A l’aide d’un bâton, il frappe le rebord du plateau pour attirer l’attention d’Ifa. Le consultant chuchote son problème derrière sa main tenant une pièce de monnaie ou un cauri, de façon à ce que seul Ifa puisse l’entendre.

Dans notre cas, la divination se fait à l’aide de seize noix de palmes. Le babalawo les prend dans ses mains et les mélange. S’il laisse échapper une noix, il marque deux traits de son indexe sur le plateau. Si deux noix tombent, il trace seulement un trait. Enfin si aucune ou plus de deux noix tombent, aucun symbole n’est reporté. L’expérience est répétée huit fois afin d’obtenir deux lignes de quatre symboles chacune.
L’ensemble des signes tracés indique au devin lequel des 256 volumes de l’Odu, eux même divisés en versets ou ese, apportera une réponse au consultant. A l’issue de la séance, le babalawo qui sait interpréter la parole d’Ifa, définit les offrandes, remèdes et conduites à adopter.