Le muguet
Qui ne connaît pas le muguet, une plante de sous-bois frais que l'on ramasse pour le 1er mai ? Cette plante de demi-ombre pousse sur des sols de nature variée secs à frais (mésophiles). On la rencontre en sous bois des chênaies et des hêtraies. Elle est commune dans toute la France sauf en région méditerranéenne (Corse exceptée) entre 0 et 1500 mètres d'altitude.
Une tige aérienne nue
Le muguet (Convallaria majalis) est bien reconnaissable à sa tige nue, enveloppée à la base par des gaines membraneuses d'où sortent deux feuilles, l'inférieure presque sessile, la supérieure pétiolée. Ces feuilles ovales-lancéolées possèdent des nervures parallèles et convergentes. La tige porte une courte grappe unilatérale de 4 à 9 fleurs, penchées, d'un blanc pur, à odeur suave.
Chaque fleur actinomorphe (à symétrie axiale) comporte :
- un périanthe en clochette, couronné par six dents matérialisant les 6 tépales (3 sépales + 3 pétales) soudés ;
- 6 étamines insérées à la base du périanthe dont les anthères enserrent le style ;
- un pistil constitué de 3 carpelles soudés en un ovaire à 3 loges biovulées, surmonté d'un style terminé par un stigmate trilobé.
Ces belles fleurs vont se transformer en baies rouge vif, globuleuses, luisantes, contenant 6 graines.
Une tige souterraine colonisatrice
Malgré les apparences, toutes les tiges fleuries aériennes naissent d'une tige souterraine (rhizome) à croissance horizontale (stolon) portant des bouquets de racines adventives. Cette tige souterraine se ramifie rapidement et est capable de coloniser de grandes surfaces.
Une coupe fine transversale traitée avec une coloration classique au carmin (colorant en rose les tissus cellulosiques) vert d'iode (colorant en vert les tissus lignifiés) montre de l'extérieur vers l'intérieur : un épiderme avec cuticule, une assise de collenchyme à cellules à paroi épaissie, une dizaine d'assise de parenchyme et un endoderme avec épaississements lignifiés en U entourant un parenchyme contenant une vingtaine de faisceaux conducteurs (caractère de monocotylédone). Chaque faisceau est constitué d'un massif de phloème primaire enserré par un V de xylème primaire (également un caractère de monocotylédone).
Une plante n'appartenant plus à la famille des Liliacées
Classiquement, l'ex famille des Liliacées était constituée de 3 sous-familles : Colchicoïdées, Lilioïdées et Asparagoïdées. Les Asparagoïdées étaient les liliacées à baie qui comprenaient l'asperge (Asparagus), le muguet (Convallaria), le maianthème (Maianthemum), la parisette (Paris), le sceau de Salomon (Polygonatum), le fragon = petit-houx (Ruscus) et la salsepareille (Smilax).
La dernière mise à jour de la classification phylogénétique des Angiospermes (APG III, 2009) propose un découpage des ex. liliacées en plusieurs familles réparties en 2 ordres :
- La nouvelle conception des Liliacées (plus restreinte que l'ancienne), les Colchicacées, les Smilacacées et les Mélanthiacées sont incluses dans l'ordre des Liliales ;
- La nouvelle famille des Asparagacées figure dans le nouvel ordre des Asparagales.
En y regardant de plus près, il est intéressant de noter que les genres Convallaria, Maianthemum, Polygonatum et Ruscus, soit l'essentiel de la sous famille des ex. Asparagoïdées, sont restés dans la même famille, celle des des Asparagacées. Seuls les genres Smilax et Paris et ont été affectés dans de nouvelles familles : Smilacacées et Mélanthiacées respectivement.
Une plante très toxique !
Cette belle plante à odeur suave est toxique dans toutes ses parties. Elle contient des hétérosides cardiotoniques (convallosides) dont l'ingestion provoque des symptômes voisins de ceux de la digitale : nausées, vomissements, ralentissement cardiaque voire tétanisation du myocarde, irrégularités du rythme, arythmie conduisant à l'arrêt cardiaque.
Malgré ces symptômes peu engageants, rares sont les intoxications graves en cas d'ingestion. Aux Etats-Unis, une étude portant sur 2639 cas n'a mis en évidence de troubles que pour 6% des intoxiqués, dont 3 cas seulement avec un syndrome sévère. La saveur amère des baies n'incite sans doute pas à une consommation suffisamment importante pour conduire à des troubles mortels.
La fleur du 1er mai
Les Celtes fêtaient au début du mois de mai le premier jour de l'année et honorait le muguet pendant les festivités. Au Moyen-âge, on l'accrochait au seuil des fiancées. A la Renaissance, Charles IX, ayant offert en 1561 du muguet autour de lui comme porte-bonheur, remit cette coutume en usage. Dans les années 1900, les grands couturiers offraient des brins de muguet aux clientes et aux petites mains le jour du 1er mai. En 1889, le Congrès international socialiste de Paris propose le 1er mai comme jour de revendication des travailleurs. L'American Federation of Labor l'avait déjà adopté en 1886. En 1892, le Congrès international socialiste de Bruxelles donne au 1er mai son caractère annuel et international. Depuis 1947, le premier mai est un jour chômé et payé en France.
Le muguet, fleur traditionnelle d'Ile de France (Chaville, Meudon), apparaîtra à la boutonnière des manifestants lors du 1er mai 1907. Depuis ce jour, il est proposé par les vendeurs de rue et les fleuristes et comme porte-bonheur traditionnellement offert à la famille et aux amis. Bien que la vente sur la voie publique soit interdite sans autorisation, la vente du muguet fait l'objet, dans la pratique et à titre exceptionnel, d'une tolérance, conformément à une longue tradition. Depuis 1982, il est la fleur nationale de la Finlande.
Une production nationale planifiée pour le premier mai
Chaque année en France, plusieurs dizaines de millions de brins de muguet sont commercialisés pour le 1er mai. Il s'agit de muguet sauvage bien sûr mais aussi de celui qui est cultivé au niveau de deux zones de production : muguet nantais (80% de la production) et bordelais (20%). Comme celle du chrysanthème à la Toussaint, la production de muguet est axée sur un jour fixe au point que lorsque le temps est très beau en avril (cas de l'année 2011), cela pose des problèmes aux producteurs qui doivent retarder l'apparition des fleurs par divers moyens.
Enfin, on trouve dans le commerce des rhizomes de muguet appelés " griffes " que l'on plante en octobre, la pointe dirigée vers le haut affleurant à peine le sol. On le trouve également en godets à planter en début de saison. Si vous avez reçu en cadeau un petit pot de muguet, vous pouvez également le dépoter et le planter en pleine terre.
Bibliographie
- BONNIER Gaston, Flore complète portative de la France et de la Suisse, 1909.
- COSTE Abbé H., Flore descriptive illustrée de la France 3 , Klincsieck, 1900.
- FOURNIER Abbé Paul, Les quatre flores de France, Lechevalier, 1934-1940.
- FROHNE Dietrich, Plantes à risques, Tech et Doc, 2009
- RAMEAU jean Claude, Flore forestière française, IDF, 1989.
Régis Thomas, Margarethe Maillart, Mai 2011.