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Châtaigne ou marron ? Le regard du botaniste

Auteurs : Régis Thomas et David Busti ; Publication : David Busti
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Avec l’automne arrivent sur les marchés les premières châtaignes et, dans les sous-bois, leurs « bogues » épineuses foulées aux pieds laissent échapper des fruits bruns à large tache blanche. Dans les cours d’écoles, le long des avenues, les marron.jpgniers laissent également tomber des fruits verts, globuleux et épineux qui libèrent à terre des marron.jpgs brun-acajou ornés d’une tache blanche.

La ressemblance entre les deux « fruits », tous deux protégés dans une coque piquante, tous deux bruns à tache blanche, fait qu’on les confond volontiers sous le nom de marron.jpgs. Alors qu'est-ce qu'une châtaigne et qu'est-ce qu'un marron.jpg d'un point de vue botanique ?

La chose se complique un peu plus lorsque les châtaignes elles-mêmes se transforment en marron.jpgs grillés (« Chauds, chauds, les marron.jpgs »), en crème de marron.jpg ou marron.jpgs glacés, ou une fois l’an, en dinde aux marron.jpgs. Comment différencier châtaigne et marron.jpg dans ce cas là ?

Châtaigne et marron.jpg appartiennent à deux familles botaniques bien différentes

La réponse à la première question est claire, simple et définitive. Châtaigne et marron.jpg proviennent de deux espèces botaniques bien différentes :

  • La châtaigne est le fruit du Châtaignier (Castanea sativa), arbre appartenant à la famille des Fagacées dans laquelle on trouve le Hêtre (Fagus sylvatica) genre ayant donné son nom à la famille, et les Chênes (Quercus sp).
  • Le marron.jpg est la graine du Marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), arbre appartenant à la petite famille des Hippocastanacées dont il est le seul représentant en France.

Comparaison des bogues de Châtaignier (à gauche) et des « bogues » de Marronnier d'Inde (à droite).

Planche châtaigne Planche marron.jpg 

 

Comparons leurs feuilles, leurs bourgeons, leurs fleurs et leurs fruits :

 

Châtaignier (Castanea sativa)

Marronnier d'Inde (Aesculus hippocastanum)

Feuilles

  • Les feuilles sont alternes, simples, allongées, et dentées en scie.
  • Les feuilles sont opposées, composées-palmées de 5-7 folioles ovales en coin dentées.
Bourgeons
  •  Les bourgeons sont petits à 2 écailles.
  • Ils sont gros, gonflés, luisants et poisseux a tel point qu’on les dirait caramélisés.
Fleurs
  • Les fleurs unisexuées mâles, très nombreuses, sont portées par des chatons dressés et contiennent 8 à 15 étamines à anthères jaunes.
  • Les fleurs unisexuées femelles, discrètes, sont groupées en 1 à 3 inflorescences à la base de certains chatons mâles situés dans le haut des branches. Chaque inflorescence comporte 3 fleurs serrées dans une cupule faite de languettes vertes soudées par leur base. Chaque fleur est surmontée de (3) 6 styles indiquant que le pistil est composé de (3) 6 carpelles soudés contenant chacun 2 ovules.
  • Les fleurs hermaphrodites forment une grande inflorescence pyramidale de fleurs blanches irrégulières comportant :
    - 4 à 5 pétales blancs inégaux, chiffonnés et ponctués d’une tache jaune virant à l’orangé puis au rouge ;
    - 7 étamines inégales et arquées ;
    - un pistil à 3 carpelles soudés en un ovaire à 3 loges biovulées.
Fruits
  • Une fois fécondées, les fleurs gonflent et se transforme en fruits secs indéhiscents (akènes) : les châtaignes. Chaque châtaigne reste coiffée des 6 styles disposés en plumet.
  • En même temps la cupule grandit. Des épines naissent entre les languettes. D’abord petites vertes et molles, elles jaunissent se dessèchent et durcissent et la cupule devient bogue : boule de piquants entrecroisés tellement vulnérants qu’il est bien difficile de la saisir avec les doigts.
  • A maturité la bogue se fend en 4 valves libérant généralement 3 châtaignes correspondant aux 3 fleurs de départ. Chaque châtaigne contient plusieurs graines recouvertes d’un tégument laineux, le tan, cloisonnant plus ou moins le fruit.
  • La fleur fécondée va évoluer en un gros fruit vert sphérique hérissé d’épines molles, la "bogue", qui va s’ouvrir en 3 valves laissant échapper 1 voire 2 graines appelées marron.jpgs.
  • La "bogue" est donc un fruit de type capsule.
                                                               

 

Donc pas de doute : le marron.jpg est une graine, contenue dans une capsule à pointes molles, la tache blanche est le hile de l’ovule ; la châtaigne est un fruit contenu dans une cupule(= bogue) à 4 valves hérissées de piquants vulnérants. La tache claire est la cicatrice d’insertion dans la bogue.

Un peu d'étymologie
Le Châtaignier (Castanea sativa) : Castanea viendrait de Castanos ville du nord est de la Turquie. sativa indique qu’il a été semé, cultivé. Le latin castanea s’est conservé dans presque toutes les langues d’Europe occidentale : français (châtaignier), italien (castagno), portuguais (castanheiro), espagnol (castano, qui a donné castagnettes), allemand (kastanie) et anglais (chest nut).
Le Marronnier d'Inde (Aesculus hippocastanum) : Linné baptise le marron.jpgnier Aesculus, terme désignant chez les anciens le chêne à fruits comestibles. hippocastanum signifie « châtaigne de cheval » car on utilisait jadis les marron.jpgs broyés afin de stimuler les chevaux poussifs. Cette appellation s’est conservée dans l’italien « ippocastagno » et l’anglais « horse-chestnut ».

 

Le terme marron.jpg désigne également une grosse châtaigne

La réponse à la deuxième question est plus nuancée mais ne fait pas problème pour les castanéiculteurs et confiseurs. Historiquement parlant, on dit que le terme marron.jpg serait apparu dans la région lyonnaise, emprunté à l’italien « marron.jpge » qui veut dire châtaigne. D’autre y voient une connotation sociale : la châtaigne a été la fruit du pauvre, la nourriture des cochons, mais devenant marron.jpg lorsqu’elle finissait sur la table des nobles. Scientifiquement, le terme de marron.jpg est donné aux variétés cultivées de châtaignes (1) qui par sélection ne contiennent qu’un seul fruit par bogue et (2) dont chaque fruit, non cloisonné par une peau, ne contient qu’une seule graine. Commercialement enfin, on donne l’appellation marron.jpg aux variétés dont la proportion moyenne de fruits cloisonnés ne dépasse pas 20 %. Aux autres, ont donne l’appellation de châtaigne.

La châtaigne contient une amande cloisonnée par une ou plusieurs peaux (à gauche).
Le marron.jpg contient une seule amande non cloisonnée par une peau (à droite).

Châtaigne Marron

 

Châtaigne et marron.jpg d'Inde : une origine bien différente

Le Châtaignier est-il indigène en France ? Une question qui a fait couler beaucoup d’encre et qui est semble-t-il résolue. On trouve sa présence en France, avec le Chêne, dans des pollens datant de la fin du miocène. Il est repoussé vers le sud par la dernière glaciation (- 10 000 ans). Comme en témoigne les analyses polliniques (lac de Creno), la Corse fut sans aucun doute une zone refuge en même temps que quelques points des Maures, des Cévennes, et des Pyrénées Orientales. Le climat lui redevenant favorable, il a regagné une partie de son aire potentielle. Cette reconquête, très lente car les châtaignes, lourdes, ne sont pas facilement disséminées sur de longues distances, a été radicalement favorisée par l’homme. Cultivé depuis l’antiquité il a été introduit presque partout en France où il représente près de 10 % de la forêt feuillue.

Le Marronnier d'Inde, malgré son nom, n’est pas originaire d'Inde. Sa patrie n’est pas si lointaine : il croit dans les montagnes du nord de la Grèce jusqu’à la mer Caspienne. C’est en 1615 (sous la régence de Maris de Médicis) que le botaniste Bachelier rapporta de Constantinople le premier Marronnier qui fut planté à Paris dans la cour de l’hôtel de Soubise au Marais. Il devient vite la coqueluche des parcs de la Renaissance puis du Grand Siècle. Il s’est vite étendu aux avenues urbaines et places publiques avant de devenir, Jules Ferry oblige, l’arbre le plus populaire de nos cours de récréations communales. Il y fit la joie de générations d’écoliers réalisant avec ses graines luisantes des jeux variés : petits personnages, objets de dînettes, voire… projectiles.

Donc, le Marronnier d'Inde a été introduit de Grèce en 1615. Indigène en quelques points de la France, le Châtaignier a été introduit dans presque toutes les régions.

 

L'écologie du Châtaignier

Le Châtaignier est un arbre qui s’adapte assez facilement. Il a certes des préférences et quelques aversions, mais il se contente de peu et accepte des conditions climatiques diverses. Cette aptitude lui permet d’occuper un vaste territoire :

  • Il aime le climat méditerranéen qui lui rappelle son origine mais, dans le massif des Maures, il occupe de préférence les ubacs moins ensoleillés et plus humides.
  • On sait à quel point il affectionne les paysages vallonnés de l’Ardèche où il pousse entre 350 et 750 m d’altitude, sur les versants frais pas trop humides.
  • Mais le climat océanique lui convient également aussi on le retrouve en abondance dans le Limousin, le Périgord et… la Bretagne.

Mais cette tolérance a cependant des limites. Il redoute la sécheresse excessive et est un arbre frileux, on dit qu’il est thermophile. Les gelées célèbres bien recensées depuis le 18ème siècle ont été autant de coups d’arrêt à son expansion. En fait, cet arbre venu du sud n’aime pas tant la chaleur qu’il craint le froid, raison pour laquelle il se plait en climat océanique.

Enfin, deuxième aversion et non des moindres, celle qu’il éprouve à propos des sols calcaires. C’est un arbre calcifuge et il affectionne les sols granitiques schisteux ou sablonneux. On le dit silicicole ou mieux acidiphile.

En Ardèche, le Châtaignier pousse entre 350 et 750 m d’altitude sur les sols acides.

Ecologie Châtaignier

 

La pollinisation du Châtaignier et du Marronnier d'Inde

Le Châtaignier est autostérile : le pollen d’un arbre ne peut féconder que les fleurs d’un autre arbre d’une variété différente. Au moment de la floraison, les fleurs mâles forment cette « brume » blanc-jaune couvrant l’arbre au printemps et le signalant de loin, et dont il se dégage une odeur lourde qui attire les abeilles. La fleur femelle étant très mellifère, ce sont les abeilles qui en butinant transportent le pollen d’un arbre à l’autre. Celles-ci en tirent un miel foncé au goût prononcé.

Les belles grappes pyramidales du Marronnier d'Inde sont pollinisées par les insectes. Les fleurs à pétales blancs sont ponctués d’une tache jaune qui attire les insectes vers le nectar. Lorsque la source nectarifère est tarie, les taches passent à l’orangé puis au rouge

La floraison du Châtaignier : les honneurs de la presse et de Giono
La magnifique floraison printanière du châtaignier est si spectaculaire qu’elle constitue un événement qui lui vaut chaque année les honneurs de la presse. En jargon journalistique, on appelle « marron.jpgnier » un sujet qui revient régulièrement. « Quiconque a senti un jour de printemps sur les plateaux sauvages l’odeur amoureuse des fleurs de châtaignier comprendra combien ça compte de fleurir souvent. » Jean Giono, Que ma joie demeure

 

Bibliographie

  • BOCK C., Connaître et découvrir les arbres, Liber, 1997
  • COSTE H., Flore descriptive et illustrée de la France, A. Blanchard, 1990
  • FOURNIER P., Les quatre flores de France, 3 Lechevalier, 1961
  • RAMEAU J.C., Flore forestière française 1, Idf, 1989
  • « La châtaigne fruit d’un savoir-faire », Savoir de terroirs, n° 29, 2002
  • TORDJMANN N. et C. FICHAUX, Le marron.jpgnier, Actes Sud, 1999
  • BOURDU R., Le Châtaignier, Actes sud, 1996
  • ROL R., Flore des arbres arbustes et arbrisseaux, Maison Rustique, 1962
  • BOURGEOIS C., Le châtaignier, IDF, 1992
  • BROSSARD D., Le mémento des fruits et légumes, CTIFL, 2002
  • BROSSE J., Les arbres de France, C. De Bartillat, 1990
  • BERTRAND B., L’herbier boisé, Plume de carotte, 2008
  • SABATIER C. et R., I. JACOB Les feuillus, Glénat, 2000
  • SAUVEZON R. et A., Châtaignes et châtaigniers, Edisud, 2000
  • BREISCH H., Châtaignes et marron.jpgs, CTIFL, 1995

Musée

 

Régis Thomas et David Busti, octobre 2009.

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