Bruyère ou callune ?
Tout le monde connaît les landes bretonnes couvertes au début de l’été du violet de la bruyère se mêlant au jaune d’or des ajoncs. En y regardant de plus près, il y a dans ces landes deux bruyères. La « vraie » bruyère est nommée Erica par les botanistes alors que la « fausse » bruyère correspond à la Callune en botanique.
Plus à l’ouest, la seconde seule est présente et illumine les crêtes de sa floraison violette de la fin de l’été à l’automne. Vous aurez d’ailleurs bien du mal à faire entendre aux gens du pays que cette plante n’est pas de la Bruyère, mais une plante voisine : la Callune !
Alors essayons d’y voir un peu plus clair entre cette vraie et fausse bruyère dont les seuls points communs semblent être la coloration violette et la colonisation de landes.
Bruyère et callune : deux genres distincts de la famille des Ericacées
Comparons les deux plantes et nous verrons qu'elles sont bien différentes à la fois par leur fleur, leur feuille et leur répartition. La Bruyère appartient au genre Erica qui comprend 11 espèces en France, caractérisées par une corolle en grelot ou en cloche. La Bruyère la plus commune dans l’ouest est la Bruyère cendrée (Erica cinerea). La Callune appartient au genre Calluna avec une seule espèce : Calluna vulgaris.
Bruyère cendrée et callune : une écologie voisine
L'habitat favori de la Callune et de la Bruyère cendrée est la lande. Les deux plantes forment de petits buissons bas (ou sous arbrisseaux ou chamaephytes), serrés les uns contre les autres.
Ce port particulier associé à des feuilles petites munies de stomates enfouis dans un sillon protégé par des poils, représente une belle adaptation à la sécheresse et aux vents souvent violents qui règnent sur ces landes de bord de mer et montagnardes. Elles possèdent également des racines mycorhizées abritant des champignons du sol, associations permettant une meilleure absorption des éléments minéraux du sol, particularité très utile dans ces milieux pauvres et acides.
Les autres espèces de bruyère : caractéristiques et écologie
Dans les landes atlantiques, deux autres espèces sont assez communes et liées à des milieux plus humides :
- La Bruyère ciliée (Erica ciliaris) dont la corolle en tube est courbée se rencontre dans les landes humides ;
- La Bruyère à quatre angles (Erica tetralix), à feuilles verticillées par 4, affectionne les landes humides et tourbières
La Bruyère vagabonde (Erica vagans), à corolle en cloche et anthères dépassant de la corolle est commune dans le sud ouest.
La Bruyère à balais (Erica scoparia) est commune dans l’ouest et dans le midi où elle se mêle à la Bruyère arborescente (Erica arborea), limitée elle aux maquis méditerranéens. Les deux espèces ont une corolle en cloche et des étamines incluses.
La bruyère des fleuristes et la terre de bruyère
Les fleuristes proposent à l’automne diverses espèces de bruyères. Erica carnea est l’espèce la plus commune. Elle accepte tous les sols, même calcaires, alors que la plupart des Bruyères exigent un sol acide.
La décomposition des bruyères produit un sol particulier appelé « terre de bruyère » qui est utilisé pour la culture des végétaux ne supportant pas le calcaire.
Le miel de bruyère
Bruyères et Callune sont des plantes mellifères. Le miel de bruyère d’automne, issu de la Callune, est est un miel marron foncé possédant une odeur et un arôme persistant, il se présente souvent sous forme de gelée. Le miel de bruyère blanche de printemps, issu de la Bruyère arborescente, est très typé : il présente une tonalité rousse, une odeur prononcée de réglisse et de cuir tanné ainsi qu'un arôme de caramel et de cacao.
Les pipes de bruyère
C’est au milieu du XIXème siècle que la bruyère a été utilisée pour en faire des pipes. On utilisait avant diverses essences mais la bruyère a un atout majeur : sa résistance au feu.
La bruyère utilisée actuellement est la Bruyère arborescente (Erica arborea). On taille la pipe dans une excroissance entre la racine et le tronc appelée « broussin » (terme à peu près synonyme de loupe, correspondant à des excroissances ligneuses formées de tissus tumoraux engendrés par des microorganismes ou des insectes). Il faut attendre une quarantaine d’années pour que le broussin atteigne une belle taille, repérer une telle bruyère, couper le tronc et, sacré travail, la déraciner ! Il faut aussi veiller à ce que le broussin reste humide jusqu’à l’arrivée chez le coupeur : s’il venait à sécher, il se fendrait et perdrait tout son intérêt. Chez le coupeur, il est taillé en blocs ou ébauchons que l’on fait tremper dans de l’eau bouillante puis sécher dans un endroit humide (!) où le coupeur, comme le fromager, va retourner régulièrement ses reblochons, pardon, ses ébauchons pendant 6 à 8 mois.
Après un dernier examen, les ébauchons seront livrés aux grandes maisons pipières où ils seront tournés, creusés et polis par des pipiers, en fourneau de pipe. Saint-Claude et Cogolin se disputent l’honneur d’avoir utilisé la bruyère pour la prem ière fois dans la confection des pipes.
Pour en savoir plus
- COSTE H., Flore descriptive et illustrée de la France, A.Blanchard, 1990.
- FOURNIER P., Les quatre flores de France, Lechevalier, 1961.
- GUINOCHET M., Flore de France, CNRS, 1982.
- RAMEAU et Coll., Flore forestière, IDF, 1989.
- DICKISON W., Integrative plant anatomy, Academis Press, 2000.
- ALEXANDRIAN D., Une étude sur la bruyère arborescente pour la fabrication de pipes, Revue Forestière Française, XXXIII 2-1981.
Site internet
Régis Thomas et David Busti, septembre 2009.