Le Houx, une plante de Noël
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Dernière strophe du poème Demain, dès l'aube... de Victor Hugo (1802-1885).
« En décembre, dans les forêts brumeuses, le houx seul s'est paré pour la renaissance du soleil à l'équinoxe le plus pâle. Ferme dans sa cotte plus verte et plus solide, qui tranche sur la foule triste des arbres en haillons, riche de ses pendeloques vermeilles, il attend, roi mage des grands bois, se lever l'étoile de Noël. » Ces quelques lignes de P. Lieutaghi nous rappellent que le Houx, arbuste à feuilles persistantes, est un symbole d'éternité et que ses baies rouges qui éclairent les sous-bois d'hiver en font un symbole de lumière. Ces deux particularités expliquent l'utilisation du houx pour la décoration de l'autel des messes de minuit. De là, on prit l'habitude de l'accrocher en couronne sur la porte ou, associé au gui, en lustre porte-bonheur sous lequel on s'embrasse au nouvel an...
Le Houx (Ilex aquifolium) se rencontre un peu partout en France bien qu'il soit plus rare dans le sud-est. C'est une espèce de sous-bois qui peut monter jusqu'à 2000 m d'altitude dans les régions les plus méridionales de son aire de répartition.
Des feuilles piquantes ou non
Le Houx est un arbuste qui atteint 4 à 6 m de hauteur et qui peut vivre plusieurs centaines d'années. Les jeunes rameaux sont verts et portent des feuilles alternes, simples, persistant généralement 3 ans. Vert brillant foncé à leur face supérieure, plus pâles et mates à la face inférieure, elles sont coriaces, ondulées et bordées d'une mince cuticule jaunâtre. Elles se présentent sous plusieurs formes, allant des feuilles bien connues hérissées de piquants très vulnérants jusqu'à des feuilles à bord entier, avec tous les termes de passage entre les deux (hétérophyllie).
Cette hétérophyllie semble liée à l'âge des rameaux puisque les feuilles à bord entier se rencontrent sur les branches élevées du sommet de la canopée (rameaux âgés ?) alors que les feuilles piquantes sont portées par les branches basses et les rejets (jeunes rameaux). La même observation peut être faite chez le Chêne vert (Quercus ilex), un chêne méditerranéen dont les feuilles les plus piquantes sont portées par les branches de la base de l'arbre. Des travaux récents suggèrent que l'existence d'un tel dimorphisme chez le Houx pourrait constituer une adaptation à l'herbivorie (voir encart ci-dessous). A titre de comparaison, signalons que chez le Lierre l'hétérophyllie semble plutôt liée à la floraison : les feuilles des rameaux fleuris sont entières alors que les feuilles des rameaux stériles lobées.
Des fleurs mâles et femelles et des drupes à 4 noyaux
Le Houx est dioïque, ce qui signfie qu'il y a spontanément dans la nature des individus mâles et des individus femelles portant respectivement des fleurs unisexuées mâles et femelles. Mais, chose curieuse, les fleurs gardent une trace bien marquée de leur double potentialité :
- Les fleurs mâles sont portées par de courts pédoncules ; elles présentent 4 sépales minuscules, 4 pétales blancs séparés veinés de pourpre à l'extrémité inférieure, et 4 étamines. Au centre persiste un ovaire atrophié et stérile.
- Les fleurs femelles sont portées par des pédoncules longs ; elles présentent également 4 sépales et 4 pétales plus un gros ovaire résultant de la soudure de 4 carpelles. On y voit également 4 étamines réduites et stériles.
Les fruits n'apparaissent bien sûr que sur les pieds femelles, les mâles en étant dépourvus. De couleur rouge vif, ce ne sont pas des baies mais des drupes un peu particulières. En effet, les 4 « pépins » sont en réalité 4 noyaux dont chacun renferme une graine (alors qu'on trouve qu'un seul noyau dans une drupe courante).
Un modèle histologique de feuille pas si général
Le fait que la feuille de houx soit coriace la fait généralement choisir comme modèle pour réaliser des coupes histologiques à main levée. Elle présente en fait des caractéristiques de feuilles persistantes, presque xérophytiques, avec une épaisse cuticule et un abondant sclérenchyme autour de la nervure centrale. De ce point vue, il est préférable de choisir comme feuille type des feuilles caduques, plus répandues, mais qui auront des caractéristiques un peu différentes, avec une cuticule mince et surtout l'absence de sclérenchyme, tissu qui se différencie tardivement et qui n'apparaît pas dans une feuille dont la durée de vie est limitée à 6-8 mois. Inversement, la feuille houx peut être un matériel pédagogique intéressant si l'on veut comparer les caractères anatomiques des tissus de soutien primaires : collenchyme (tissu non lignifié en position sous-édermique dans la partie médiane de la feuille) et sclérenchyme (tissu lignifié au tour de la nervure centrale).
Houx, Petit houx et Mahonia à feuilles de houx
Quelques arbres et arbustes possèdent des feuilles ressemblant à celles du Houx, si bien que leur nom commun ou latin partage avec celui-ci la même étymologie. On veillera à ne pas confondre le Houx avec les trois plantes suivantes ::
- Le Petit houx ou Fragon (Ruscus aculeatus) est un sous arbrisseau de la famille des Liliacées, dont la seule ressemblance avec le Houx est la « feuille » piquante par une épine terminale. Cette « feuille » est en réalité un rameau aplati (ou cladode) puisqu'il porte à maturité des fleurs puis des fruits ;
- Le Mahonia à feuilles de houx (Mahonia aquifolium) est un arbrisseau de la famille des Berbéridacées très utilisé pour réaliser des haies. Proche de l'Epine-vinette (Berberis vulguris), sa feuille à épines molles rappelle celle du houx ;
- Le Chêne vert ou Yeuse (Quercus ilex) est un arbre méditerranéen dont certaines feuilles ont la même forme et les mêmes piquants. Mais contrairement aux feuilles de Houx, qui sont glabres sur les 2 faces, les feuilles de chêne vert sont blanchâtres sur le revers (présence de poils blancs), ce qui constitue une adaptation au xérophytisme (les poils limitent la transpiration foliaire en emprisonnant une mince couche d'air saturée en vapeur d'eau).
Le nom commun, houx, vient d'un ancien nom germanique de la plante, huls ou hulix puis hos et hous au XIIème siècle. La racine se retrouve dans le nom allemand stechhülsen et néerlandais hulst. Un lieu planté de houx est une houssaie, nom fréquent dans la France du nord pour désigner des communes ou lieux dits : la Houssaye, la Houssoye, Houssay, Housset, Houssière... Il existe même en Eure et Loir une commune nommée tout simplement Houx.
Enfin, le nom en patois du sud de la France est aussi évocateur : griffou.
Une plante toxique
Bien que n'étant pas en tête des cas les plus fréquents de consultation dans les centres anti-poisons, le Houx figure cependant en bonne place. Il n'est d'ailleurs pas surprenant que des enfants ne résistent pas à la tentation de goûter à ses baies rouge vif. L'intoxication observée après ingestion de fruits de houx se caractérise par des douleurs abdominales, des vomissements et de la diarrhée. Des cas mortels ont été signalés dans la littérature ancienne, en cas d'ingestion massive.
La feuille de houx contient de l'ilicine, proche cousine de la quinine, qui possède des vertus antispasmodiques, fébrifuges et toniques. Cette tonicité se retrouve chez un houx sud-américain, Ilex paraguariensis, avec les feuilles duquel les argentins préparent le maté, contenant de la caféine, que l'on boit en guise de thé tout au long de la journée.
Les usages du Houx
Le principal usage aujourd'hui est la culture ornementale, surtout pour réaliser des haies épaisses, infranchissables et durables. On cultive de nombreuses espèces, hybrides et de multiples cultivars aux fruits de couleur variée et aux feuilles panachées. Citons Ilex aquifolium bacciflava à fruits jaunes, Ilex aquifolium aureomarginata à feuilles bordées de blanc et Ilex x altaclerensis aux feuilles panachées.
Autrefois, son bois dur mais élastique l'avait fait choisir dans les campagnes pour réaliser des cannes, des manches d'outils et des aiguillons. La chanson de pierre Dupont (1821-1870) « les bœufs » ne dit-elle pas : « la charrue est en bois d'érable et l'aiguillon en branche de houx. » Dans la saga Harry Potter, la baguette de Harry est en bois de houx. Mais le plus célèbre objet en bois de houx est sans doute la canne de marche de Goethe conservée au musée de Weimar. Enfin, n'oublions pas que le célèbre quartier cinématographique de Los Angeles, Hollywood, signifie Bois de houx.
On préparait également (comme avec les baies du gui) une glu, avec la seconde écorce du houx, la verte, celle que l'on découvre après avoir pelé l'écorce externe liégeuse.
Pour en savoir plus
- FROHNE et coll., Plantes à risques, Lavoisier, 2009.
- JACOB Isabelle, SABATIER Roland, Les baies, Glénat, 1999.
- JUDD et coll., Plant systematics, Sinauer, 3ème édition 2008.
- OBESO J. R. (1997). The induction of spinescence in European holly leaves by browsing ungulates, Plant Ecology 129: 149-156, 1997.
- RAMEAU et al., Flore forestière française, 1, IDF, 1989.
Régis Thomas, Margarethe Maillart et David Busti, janvier 2012.