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L'Edelweiss, une plante alpine d'origine asiatique

Auteur et publication : David Busti

Tiges fleuries d'Edelweiss (Leontopodium alpinum) vues de dessus.
Comme chez toutes les Astéracées, les fleurs d'Edelweiss sont groupées en une inflorescence élémentaire très compacte : le capitule. Le sommet des tiges d'Edelweiss porte une inflorescence complexe composée de 5 à 10 capitules subsessiles, le tout formant un capitule de capitules ! (Le Grand Veymont, Vercors, 30 juin 2002)

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Edelweiss (Leontopodium alpinum), détail de l'inflorescence.
Le capitule du centre de l'inflorescence comporte des fleurs jaunâtres bien épanouies comportant 5 pétales soudés formant un tube terminé par 5 dents, ce qui permet de classer l'Edelweiss dans le groupe des Tubuliflores (l'un des trois groupes d'Astéracées). Au centre de chaque fleur, les anthères jaunes des étamines matures sont soudées entre elles en un tube entourant le pistil, si bien que l'androcée (ensemble des étamines) est qualifié de synanthéré. Ce dernier caractère est également partagé par toutes les Astéracées. (Le Grand Veymont, Vercors, 30 juin 2002)

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Edelweiss (Leontopodium alpinum), vue de dessus.
Les capitules de l'Edelweiss sont entourés de bractées rayonnantes recouvertes d'un duvet de poils blancs, donnant aux tiges l'allure d'une étoile argentée, d'où le nom populaire d' « étoile d'argent » donné communément à l'Edelweiss. Les poils blancs limitent l'évapotranspiration par temps sec et protègent la plante des variations brusques de température. (Le Grand Veymont, Vercors, 30 juin 2002)

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Edelweiss (Leontopodium alpinum), morphologie de l'appareil végétatif (vue latérale).
L'Edelweiss croit en haute montagne dans des pelouses sèches plus ou moins ouvertes, ici dans une pelouse calcaricole subalpine du Vercors. Les tiges sont non ramifiées et portent des feuilles allongées étroites. Comme beaucoup de plantes alpines, la taille peu élevée de l'Edelweiss permet à la plante de bénéficier pendant l'hiver de l'isolation thermique offerte par la couverture neigeuse. (Le Grand Veymont, Vercors, 30 juin 2002)

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Edelweiss (Leontopodium alpinum), vue de dessus.
Cette photo a été prise dans une pelouse alpine calcaricole. Le duvet de poils blancs recouvrant la plante est d'autant plus épais que celle-ci est exposée à des températures basses. (Col du Galibier, Alpes, juillet 2004)

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Tout le monde connaît l'Edelweiss (Leontopodium alpinum), plante emblématique de la haute montagne (et même de la Suisse !), réputée rare et inaccessible, utilisée depuis longtemps en Autriche pour ses vertus médicinales pour soigner les diarrhées et les affections des voies respiratoires, et dont la côte de popularité en fait actuellement un atout économique de choix dans des secteurs aussi variés que le tourisme (son image positive en fait une plante « marketing »), la cosmétologie (ses molécules anti-oxydantes ont des propriétés anti-inflammatoires remarquables, susceptibles de ralentir le vieillissement de la peau), la fabrication de liqueur, la gastronomie et même l'aviation (une compagnie suisse porte le nom d'Edelweiss !). L'Edelweiss est typiquement une plante alpine dont l'optimum écologique se situe à l'étage alpin (étage compris entre 2000-2200 à 2400-2600m dans les Alpes). Il croît dans les rocailles, les pelouses ouvertes et les pâturages de haute montagne, de préférence sur des terrains pentus, sur roche mère calcaire et dans des stations sèches et ensoleillées (notamment sur les versants exposés au sud). On peut néanmoins le rencontrer à des altitudes plus élevées (à l'étage subnival, jusqu'à 3000 mètres) ou plus basses (à l'étage subalpin, par exemple dans le Vercors). Son aire de distribution s'étend des Pyrénées aux Carpates en incluant tout l'arc alpin, le Jura et les Balkans. La cueillette excessive de l'Edelweiss par le passé a largement réduit, voire supprimer, certaines de ses populations si bien que l'espèce est maintenant protégée en Allemagne et en Autriche (depuis 1874), et en Suisse (depuis 1879). Seules les variétés cultivées peuvent être utilisées à des fins commerciales ; actuellement environ 4000m2 d'Edelweiss sont cultivés en Valais, en Suisse.

L'Edelweiss est une astéracée (ses fleurs sont groupées en une inflorescence typique, le capitule) appartenant au groupe des Tubuliflores (toutes les fleurs du capitule sont en tubes) et au genre Leontopodium. Les capitules subsessiles sont regroupés au sommet des tiges en une inflorescence complexe (un capitule de capitules !) au milieu de bractées rayonnantes étalées en étoile, d'où le nom de genre Leontopodium, un terme latin adapté du grec Leontopodion qui signifie littéralement « pied de Lion » (« podion » = pied et « Leon » = Lion). L'espèce se reconnaît aisément par le fait qu'elle est recouverte d'un duvet de poils blancs laineux qui lui a valu en outre son nom populaire d' « étoile d'argent ». Un examen attentif des capitules montre que ceux-ci possèdent deux types de fleurs : les fleurs centrales, jaunes et d'apparence hermaphrodite, sont des fleurs mâles (seul le pollen est mature) alors que les fleurs situées en périphérie du capitule, à corolle filiforme, sont femelles. La présence de fleurs unisexuées portées par un même pied associée à une pollinisation entomogame (les fleurs sont pollinisées par des mouches dans 80% des cas) témoignent d'une reproduction sexuée de type allogame (fécondation croisée). Les graines, quant à elle, sont disséminées en tombant à terre par le simple effet de la gravité (barochorie) mais elles peuvent être transportées plus loin par les fourmis (zoochorie).

En tant que plante alpine, l'Edelweiss présente un certain nombre d'adaptations remarquables aux conditions de vie extrêmes qui caractérisent la haute altitude. Tout d'abord, son duvet de poils blancs qui emprisonne l'air forme une couche isolante saturée d'eau qui, d'une part, protège l'appareil végétatif des écarts journaliers de température parfois très importants (sur un versant sud et à 2500 mètres, les températures peuvent osciller entre -10°C nuit et 40°C lors d'une journée ensoleillée) et, d'autre part, limite la transpiration foliaire par temps sec. Ensuite, sa petite taille (entre 8 et 20 cm de hauteur) lui permet de bénéficier pendant l'hiver de la protection thermique offerte par la couverture neigeuse. Les poils blancs, qui réfléchissent fortement les rayons lumineux, présentent un albédo élevé, ce qui constitue une adaptation face aux fortes insolations. La synthèse par la plante de nombreuses molécules anti-oxydantes piégeant les radicaux libres constitue également une adaptation aux rayonnements UV dans la mesure où ceux-ci, en cassant les molécules biologiques (acides nucléiques, protéines, lipides), créent des radicaux libres oxygénés toxiques pour les cellules. Par ailleurs, les conditions de vie régnant en haute altitude sont a priori peu favorables à la reproduction sexuée des plantes alpines (pollinisateurs peu abondants à effectif fluctuant, période de végétation courte pouvant entraver le bon développement des graines). Dans ces conditions, il a été constaté que l'apomixie (reproduction asexuée par les graines), un mode de reproduction souvent associé à un développement accéléré des graines du fait d'une maturation des embryons qui débute avant ou peu après l'épanouissement de la fleur, est favorisée chez bon nombre d'espèces alpines (Alchemilla ssp, Hieracium alpinum). L'apomixie a été observée dans plusieurs populations d'Edelweiss dans les Carpates et, à l'état facultatif, dans les Alpes du sud mais les travaux récents de E. HÖRANDL et collaborateurs (2011) ont montré que l'Edelweiss se reproduit exclusivement par reproduction sexuée dans 5 stations des Alpes de l'Est (Tyrol, Autriche), suggérant qu'il existe chez l'Edelweiss une différenciation géographique des modes de reproduction sexuée et apomictique.

La colonisation des reliefs européens par l'Edelweiss a été permise par le retrait des glaciers suite à la dernière période glaciaire. De plus, sur la trentaine d'espèces appartenant au genre Leontopodium, seules deux espèces sont strictement européennes (Leontopodium alpinum et Leontopodium nivale) alors que les autres espèces se répartissent en Asie, essentiellement dans l'Himalaya et sur les hauts plateaux désertiques chauds et arides du Tibet, suggérant que les espèces européennes se soient différenciées à partir d'espèces d'Asie du sud-est suite à une colonisation initiale d'origine asiatique. Les études génétiques récentes menées par C. BLÖCH et collaborateurs (2010) à partir des séquences d'ADN ribosomiques nucléaires et plastidiaux d'espèces européennes et asiatiques de Leontopodium ont permis d'établir le lien de parenté étroit entre les espèces européennes et asiatiques ainsi que la monophylie du genre Leontopodium, et de proposer une différenciation récente des espèces européennes à partir d'espèces parentes tibétaines. La colonisation des Alpes par des espèces originaires d'Asie ne concerne pas seulement l'Edelweiss, elle a été démontrée pour les soldanelles, les gentianes et les rhododendrons.

Ecologie et morphologie d'une espèce de Leontopodium asiatique.
Ces photos ont été prises en Inde, en arrière de la chaîne himalayenne, à environ 3700m d'altitude, 33° de latitude nord et 77° de longitude est (le site est repéré par une punaise jaune sur la carte google earth ; attention, les coordonnées GPS indiquées au bas de la carte sont celles du centre de la carte et non de la punaise). Cette espèce de Leontopodium présente les mêmes exigences écologiques que l'Edelweiss : on la retrouve ici en abondance dans une pelouse sèche semi-ouverte d'altitude, dans des conditions de température semblables à celles qui règnent à l'étage alpin dans les Alpes (notez que la chaîne himalayenne se situe plus au sud que la chaîne alpine si bien que les étages de végétation équivalents dans la chaîne himalayenne ont des limites altitudinales d'étage plus élevées). Sur le plan morphologique, on reconnaît aisément les caractères d'un Leontopodium (capitules de capitules, bractées recouvertes de poils blancs et étalées en étoile) et on note la ressemblance frappante entre l'Edelweiss et cette espèce asiatique de Leontopodium qui illustre bien la divergence récente révélée par la phylogénie moléculaire entre l'Edelweiss et ses cousines asiatiques.

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Pour en savoir plus

  • AUBERT S., R. BLIGNY, P. CHOLER et R. DOUZET (2003). Les plantes alpines, une vie en milieu extrême. La Montagne et Alpinisme, n°2 : 44-50. Article téléchargeable en ligne gratuitement ici.
  • BLÖCH C., W. B. DICKORE, R. SAMUEL et T. F. STUESSY (2010). Molecular Phylogeny of the Edelweiss. Edinburgh Journal of Botany, 67: 35-264.
  • HÖRANDL E. et coll. (2011). Apomixis is not prevalent in subnival to nival plants of the European Alps. Annals of Botany, 108 (2): 381-390. Article téléchargeable en ligne gratuitement ici.
  • Émission À Bon Entendeur consacrée à l'edelweiss sur www.tsr.ch, 26 août 2009, TSR1.

 

David Busti, janvier 2012.

 


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