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Le Vautour fauve, partenaire des éleveurs dans les Gorges du Verdon

Auteur : Jean-Pierre Moussus ; Publication : David Busti.

Vautour fauve adulte.
L'âge de l'oiseau peut être déterminé en regardant la couleur de l'iris (noir à brun foncé chez les immatures et orangé chez les adultes) ainsi que les plumes du cou (brun clair chez les immatures, blanches chez les adultes) et la couleur du bec (blanchâtre chez les adultes, noirâtre chez les immatures). Remarquez aussi la bague métallique portée à la patte gauche. (Gorges du Verdon à Rougon, Avril 2011)

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Vautour fauve immature.
Les plumes du cou sont plus foncées que chez l'individu précédent. Remarquez la bague portant un code alpha numérique lisible qui permet d'identifier l'oiseau dans les programmes de capture-marquage-recapture. (Gorges du Verdon à Rougon, Avril 2011)

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Vautour fauve adulte. (Gorges du Verdon sur la Route des Crêtes, Avril 2011)

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Ce géant avait disparu des Gorges du Verdon et des Alpes depuis le tout début du XXème siècle. Il a désormais fait son grand retour depuis la fin des années 1990 avec le lancement d'un programme de réintroduction ayant conduit aux premiers lâchers en 1999. Le Vautour fauve (Gyps fulvus) est la plus commune des  trois espèces de Vautours observables en France (avec le Vautour moine, Aegypius monachus, et le Vautour percnoptère, Neophron percnopterus). Ses effectifs totalisent actuellement environ 800 couples en France répartis entre les Pyrénées, les Alpes et les Cévennes. Cette espèce a besoin de falaises abruptes et inaccessibles pour nicher et est relativement sensible au dérangement. Les causes de sa quasi-disparition, en France, au cours du XXème siècle, sont multiples :

  • En premier le lieu le déclin des pratiques pastorales. La part des animaux domestiques dans le régime alimentaire de ces oiseaux est désormais considérable. Le Vautour fauve parcourt en effet des distances importantes pour rechercher sa nourriture (plusieurs centaines de kilomètres par jour parfois) et peut jeûner pendant quelques jours.
  • L'empoisonnement des cadavres d'animaux à la strychnine pour se débarrasser des grands carnivores comme le Loup, l'Ours et le Lynx a également fait payer un lourd tribut aux populations de Vautours.
  • A ces menaces principales s'ajoutent les persécutions directes par tir ou désairage.

Il ne restait ainsi plus que 30 couples de vautours fauve dans les Pyrénées au début des années 1980 lorsque les programmes de réintroduction ont commencé. Le succès de ces programmes est conditionné par la mise en œuvre d'études démographiques précises afin d'évaluer la capacité de charge des milieux dans lesquels on réintroduit l'espèce. Il s'agit également de mesurer les différents paramètres démographiques (taux de survie, succès de reproduction, recrutement) de l'espèce dans la nature afin de déterminer quels individus seront lâchés (individus immatures ou adultes) de façon à maximiser la viabilité de la population réintroduite. Dans les Gorges du Verdon, les lâchers se sont déroulés de 1999 à 2005 pour un total de 91 individus libérés.

Mais le plus intéressant dans cette histoire est probablement le partenariat " gagnant-gagnant " qui s'est établi depuis entre les éleveurs de la région et cette population de vautours. En effet, lorsqu'un animal meurt dans un élevage, l'éleveur est normalement tenu de faire appel à un service d'équarrissage qui emporte et traite les carcasses. Ce service permet notamment d'éviter que les cadavres ne demeurent dans les pâturages ce qui pourrait favoriser la propagation de maladies. Les éleveurs sont donc redevables d'une taxe d'équarrissage. Dans le Verdon, ce sont les vautours fauves qui fournissent le service d'équarrissage. En effet, les bénévoles de la Ligue pour la Protection des Oiseaux récupèrent de façon régulière les carcasses dans les exploitations et alimentent un charnier sur lequel les vautours fauve, moine et percnoptère viennent se nourrir. Les éleveurs partenaires de ce réseau bénéficient en retour d'une diminution de leur taxe d'équarrissage. Certains d'entre eux acceptent même l'installation d'une placette destinée à recevoir les carcasses, sur leur exploitation. Les pourcentages de pertes dans les élevages peuvent s'élever à quelques pourcents notamment au moment de la mise bas. Elles sont très largement suffisantes pour compléter l'alimentation de la population locale de vautours fauves. Une équipe du Muséum National d'Histoire Naturelle suit la population de vautours du Verdon mais modélise également ses interactions avec les éleveurs dans des modèles " multi-agents ". Ces modèles permettent donc une approche intégrée de la biologie de la conservation en considérant que les paramètres démographiques associés à la population réintroduite ne sont pas les seules données importantes mais que l'espèce interagit avec de nombreux autres agents parmi lesquels se trouve l'Homme.

Sur le terrain
La totalité des vautours relâchés (mais pas forcément leurs poussins) ont été bagués par le Muséum National d'Histoire Naturelle. La plupart d'entre eux portent une bague métallique sur laquelle est inscrit le numéro d'identité de l'oiseau mais qui reste illisible de loin. Sur l'autre patte, une bague de grande taille avec un code alpha numérique lisible à la jumelle est posée. Si lors de vos promenades vous parvenez à lire des bagues, prévenez la LPO locale qui sera ravie de recueillir l'information. Par ailleurs, le Vautour fauve est une espèce très mobile géographiquement, il n'est pas rare de voir les individus d'autres massifs français ou étrangers (notamment espagnols) fréquenter temporairement la colonie du Verdon (notamment des individus immatures en période de dispersion post émancipatoire).

 

Jean-Pierre Moussus, septembre 2011.