Sargasse du Japon ou cystoseire ?
Sauriez-vous différencier la Sargasse du Japon (Sargassum muticum) d'une espèce commune de cystoseire, Cystoseira baccata, sur ces photos prises à marée basse sur une côte bretonne, à Roscoff ? Bien que ces deux algues brunes vivent dans le même milieu (de la mi-marée à l'étage infralittoral) et qu'elles se présentent toutes deux sous la forme de lanières ramifiées plus ou moins longues (pouvant atteindre plusieurs mètres chez la Sargasse du Japon), ces deux espèces peuvent se distinguer aisément tant sur le plan morphologique que sur leur comportement écologique.
Pour les reconnaître immédiatement, il suffit d'observer leurs flotteurs (ou vésicules aérifères), structures remplies d'air favorisant le port dressé de certaines espèces d'algues brunes. Cystoseira baccata possède de gros flotteurs axiaux (disposés sur les axes des lanières) alors que la Sargasse du Japon possède des flotteurs plus petits et latéraux (c'est-à-dire insérés de part et d'autre des axes). Le nom latin d'espèce "baccata", qui signifie "collier de perles", fait allusion à la disposition des flotteurs sur l'axe des rameaux, de même que le nom de genre "Cystoseira" qui signifie "qui porte des flotteurs disposés en chaîne". Le mot latin "Sargassum", qui dérive du portuguais "Salgazo" (une variété de raisin connue des marins portugais traversant la mer des Sargasses), pourrait faire allusion à la ressemblance qui existe entre les flotteurs et des grains de raisin.
Sur le plan écologique, tout sépare ces deux espèces. La première, la Sargasse du Japon, est une espèce introduite du Japon avec les naissains d'huîtres. Sa croissance très rapide (jusqu'à 7 cm par jour), sa très forte fécondité et son fort pouvoir colonisateur (du fait de la germination non sélective de ses spores) en font une espèce invasive dans les milieux dans lesquels elle a été introduite. La seconde, Cystoseira baccata, est une espèce autochtone de nos côtes à croissance plus limitée et n'est pas invasive.
A Roscoff, la Sargasse du Japon entre en compétition pour l'occupation de l'espace avec plusieurs espèces de cystoseires, les laminaires, les himanthales, ainsi qu'avec l'herbier à Zostères, un écosystème fragile colonisant les sables. Toutefois, après une croissance rapide, on observe que les populations de Sargasse du Japon, ont tendance à se stabiliser. La Sargasse recrute de plus en plus des espèces épiphytes (moules, etc.) ou des brouteurs (oursins), si bien que son extension a tendance à se réguler naturellement. C'est ainsi qu'une nouvelle coévolution se met en place !
Pour en savoir plus
- Cabioch' J. et coll., Guide des algues des mers d'Europe, Delachaux 2006
- Loiseaux-De Goër S. et M.-C. Noailles, Algues de Roscoff, Editions de la station biologique de Roscoff 2008
David Busti, septembre 2011.