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La vie en société chez les Guêpes polistes

Auteur et publication : Jean-Pierre Moussus
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Guêpe poliste (Polistes dominulus) en train de se nourrir de nectar qu'elle prélève au niveau d'un nectaire situé à la base des fleurs mâles de Saule marsault (Salix caprea), lesquelles sont réduites à 2 étamines jaunes à l'aisselle d'une bractée.
La détermination des espèces de Guêpes polistes françaises repose sur l’examen de la couleur des joues (ici jaunes), de la couleur du dessus des antennes (ici noir jusqu’au troisième article puis jaune), de la couleur du clypéus (ici jaune) et de la couleur du dernier sternite (ici jaune). (Rhône, mars 2012)

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Guêpe poliste (Polistes dominulus) à la recherche de nourriture ou de fibres végétales pour la construction du nid.
On peut remarquer les ailes repliées le long du corps lorsque l’animal est posé ce qui est une caractéristique des Vespidés, famille qui regroupe les guêpes communes et les frelons. (Lyon, mars 2012)

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Guêpe poliste (Polistes dominulus) à la recherche de nourriture ou de fibres végétales pour la construction du nid.
(Lyon, mars 2012)

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Guêpe poliste (Polistes dominulus) en train de prélever des fibres végétales d’une feuille de Bambou.
Ces fibres sont mastiquées et imbibées de salive. La pâte à papier qui en résulte est utilisée pour construire les alvéoles du nid. Tous les Vespidés construisent des nids en papier, on les appelle également guêpes papetières. (Lyon, mars 2012)

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Les sociétés animales font l’objet d’intenses recherches en biologie du comportement, afin de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement de ces groupes d’animaux conspécifiques. Parmi les animaux qui vivent en groupe, on distingue ceux qui forment des sociétés vraies (eusociétés) qui présentent trois caractéristiques fondamentales : la division des tâches au sein de la colonie (notamment la reproduction sexuée qui n’est assurée que par certains individus), des générations recouvrantes, et une coopération des adultes lors des soins apportés aux jeunes dont ils ne sont pas les géniteurs.

Les Hyménoptères comptent dans leurs rangs de nombreuses espèces classées comme eusociales. Les Guêpes polistes (Polistes sp) forment de petites colonies fonctionnant comme des eusociétés. Elles appartiennent aux Hyménoptères Apocrites (ceux qui présentent la « taille de guêpe » résultant de l’amincissement de la partie postérieure du premier segment abdominal). Elles possèdent un aiguillon, ce qui les range parmi les Aculéates. Au repos, on peut constater qu’elles maintiennent leurs ailes repliées de chaque côté de l’abdomen, ce qui est caractéristique des Vespidés (tout comme le fait de bâtir un nid en « papier » c'est-à-dire en fibres végétales mastiquées et imbibées de salive). Dès la fin de l’hiver et les premiers beaux jours, les femelles fondatrices qui ont passé l’hiver en diapause quittent cet état de vie ralentie et se mettent en quête d’un site de nidification. Ces femelles ont été fécondées l’année précédente avant la période hivernale.

Il arrive fréquemment que plusieurs femelles fondatrices s’associent dans la construction d’un même nid. Cependant, une hiérarchie est rapidement établie entre ces différentes reines. Plusieurs facteurs contrôlent la mise en place de ces relations de dominance. On constate en effet que ce sont les femelles les plus agressives, dont les ovaires sont les plus développés et qui possèdent les concentrations d’hormone juvénile (JH) les plus élevées dans leur hémolymphe qui prennent le dessus sur leurs congénères. La femelle dominante monopolise donc rapidement le privilège de la ponte et les autres prétendantes remplissent les fonctions d’ouvrières. Il est intéressant de constater que la mise en place de la hiérarchie est essentiellement comportementale (par démonstration d’aggressivité) mais que le maintien du statut de dominance par la reine est associé à l’émission de composés volatils, des phéromones, au niveau de la cuticule. Le mélange de phéromones royales est en effet différent de celui qui est émis par les ouvrières mais cet état de fait est réversible comme en témoignent les expériences de retrait de la reine. On constate alors qu’une ouvrière assoit sa dominance et se met à émettre un cocktail de phéromones « royales ». Ce type d’organisation est différent de celui d’eusociétés d’hyménoptères plus complexes comme celles que l’on rencontre chez les abeilles. Il est en effet très facile, d’un point de vue morphologique,  de distinguer une reine d’une ouvrière chez ces dernières.

Un second aspect de l’organisation des sociétés de Guêpes polistes a été étudié par les éthologues. Il s’agit des facteurs qui contrôlent la division du travail à l’intérieur de la colonie. Les Polistes montrent un degré important de polyéthisme temporel c'est-à-dire que les ouvrières changent de comportement, donc de rôle, au cours de leur vie. Les jeunes ouvrières âgées de moins de 5 jours assurent en effet les tâches d’entretien du nid et de nourrissage des larves. Elles quittent très peu le nid. Puis, en vieillissant, elles s’occupent davantage de l’approvisionnement en nourriture de la colonie et sortent beaucoup plus. SHORTER et ses collaborateurs ont mis en évidence le contrôle de ce polyéthisme temporel par la concentration de JH dans l’hémolymphe des ouvrières. Cette concentration est plus faible chez les ouvrières âgées de moins de 5 jours que chez les individus plus vieux. L’injection d’un analogue de JH chez des jeunes ouvrières entraînent un changement de comportement de la part de celles-ci qui quittent le nid et assurent l’approvisionnement de la colonie.

L’ensemble des résultats expérimentaux présentés ici peut paraître contradictoire. En effet, on constate que la même hormone (JH), favorise la dominance et le comportement reproducteur chez certains individus alors que chez d’autres, il stimule le comportement de recherche de nourriture. Ce constat est d’autant plus étonnant que les reines et les ouvrières de Guêpes polistes sont morphologiquement semblables. Peut-être faudra-t-il rechercher la solution de ce problème en étudiant l’influence de l’environnement sur les effets de la JH. On pourrait par exemple tester l’hypothèse de réponses différentes de l’individu à la JH en fonction de la quantité et/ou de la qualité de nourriture dont il dispose (les reines étant mieux nourries que les ouvrières). Il pourrait aussi exister une interaction entre les phéromones et l’hormone juvénile. Les études à venir permettront donc certainement de mieux comprendre le fonctionnement de ces sociétés et nous renseigneront peut-être également sur les nôtres…

Pour en savoir plus

  • SLEDGE, BOSCARO & TURILLAZZI (2001). Cuticular hydrocarbons and reproductive status in the social wasp Polistes dominulus. Behavioral Ecology and Sociobiology vol 49.
  • SLEDGE, TRINCA, MASSOLO, BOSCARO & TURILLAZZI (2004). Variation in cuticular hydrocarbon signatures, hormonal correlates and establishment of reproductive dominance in a polistine wasp. Journal of Insect Physiology vol 50.
  • SHORTER & TIBBETTS (2009). The effect of juvenile hormone on temporal polyethism in the paper wasp Polistes dominulus. Insectes sociaux vol 56.

 

Jean-Pierre Moussus, avril 2012.