La Mouette rieuse, une espèce opportuniste en milieu urbain
Quais de Rhône, quais de Saône, quais de Seine, nombreux sont les bords de cours d’eau, de lacs et d’étangs où l’on peut observer la Mouette rieuse (Larus ridibundus) et écouter ses cris insistants, notamment en hiver. Cette espèce forme d’importantes colonies (souvent plus d’une centaine de couples) en période de nidification. Elle niche au sol dans un nid extrêmement rudimentaire fait de quelques brindilles entassées dans une petite cuvette. Elle conserve une tendance grégaire tout au long de l’année puisqu’en hiver, les individus se regroupent le soir dans des dortoirs, par exemple sur de petits îlots au milieu d’étangs ou en pleine agglomération au sommet de lieux inaccessibles.
Contrairement aux idées reçues, la Mouette rieuse n’est pas une espèce strictement côtière. Elle niche également en milieu continental où elle demeure toutefois inféodée aux milieux aquatiques divers et variés. Mais le plus étonnant dans l’écologie récente de cette espèce est sa capacité à tirer profit des activités humaines, surtout en ce qui concerne sa prise alimentaire. On constate en effet actuellement une augmentation des effectifs de cette espèce en France (depuis 1989) même si la fiabilité des données de comptage est assez faible étant donné le mode de vie grégaire de l’animal. Cette dynamique de croissance des populations de Mouettes rieuses est comparable à celle qui est constatée dans d’autres pays pour d’autres espèces de Laridés (la famille qui regroupe les mouettes et les goélands). Ces espèces sont parvenues à étendre leur distribution jusqu'au cœur des matrices urbaines les plus denses. Les suivis ornithologiques de populations urbaines de Mouettes rieuses ont montré qu’elles demeuraient inféodées au milieu aquatique en ville mais qu’elles exploitaient des ressources alimentaires complètement indépendantes de ce milieu, plus particulièrement les déchets. Il a par ailleurs été montré que des populations de Goélands argentés (Larus argentatus) et de Goélands à bec cerclé (Larus delawarensis), nichant à proximité de décharges à ciel ouvert dépendaient en grande partie de ces zones pour se nourrir. L’exemple des Laridés ayant conquis le milieu urbain peut être considéré comme un cas de facilitation écologique. Ainsi, si les activités humaines sont actuellement souvent mises en cause dans le déclin d’espèces, elles se traduisent également par la progression d’autres espèces du fait de la mise à disposition de nouvelles ressources alimentaires ou de sites propices à la nidification.
Ces nouvelles niches écologiques ne restent pas longtemps vacantes. Une question intéressante que l’on peut se poser est celle des traits d’histoire de vie des espèces qui favorisent leur établissement dans des milieux fortement anthropisés. Il est probable, mais cela demeure encore à être largement démontré, que les espèces dites généralistes, c'est-à-dire possédant une grande niche écologique, soient favorisées dans ce contexte. Cette flexibilité écologique peut reposer sur de nombreux mécanismes parmi lesquels la capacité à digérer une alimentation très variée, une néophobie (appréhension des objets ou situations nouvelles) faible ou encore une capacité de dispersion élevée. L’écologie de ces nouveaux citadins fait actuellement l’objet de nombreuses recherches. Ces espèces viennent s’ajouter à un cortège de spécialistes des milieux urbains qui côtoient l’Homme depuis des millénaires : citons par exemple le Moineau domestique (Passer domesticus) ou le Rat surmulot (Rattus norvegicus) que l’on ne rencontre désormais quasiment plus en dehors des agglomérations. Ces espèces peuvent donc être considérées comme commensales de l’Homme, qu’adviendra-t-il des mouettes ?
Pour en savoir plus
- BELANT (1997). Gulls in urban environments: landscape-level management to reduce conflict. Landscape and urban planning, vol 38, p 245-258.
- MACIUSIK, LENDA et SKORKA (2010). Corridors, local food resources, and climatic conditions affect the utilization of the urban environment by the Black-headed Gull Larus ridibundus in winter. Ecological research, vol 25 p 263-272.
Jean-Pierre Moussus, janvier 2012