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Le fusain

Auteur : Régis Thomas ; Publication : David Busti

Qui dit fusain aujourd'hui ne pense pas à l'arbuste mais aux bâtonnets noirs très appréciés des dessinateurs. Le fusain (spindle tree en anglais, spindelbaum en allemand) tire son nom de son utilisation ancienne pour confectionner à la campagne des fuseaux, petits instruments pointus aux deux extrémités et renflés au milieu, que les femmes utilisaient pour tordre et enrouler le fil lorsqu’elles filaient la quenouille.

Le nom scientifique du fusain est Euonymus (Evonymus dans les anciennes flores) qui viendrait du grec « eu = bon » et « onoma = nom » signifiant le « bien nommé ». On rencontre toutefois une autre étymologie bien différente. Le fusain possédait autrefois une réputation de plante toxique pour les bestiaux et la dénomination latine serait sensée rappeler « Evonyme », la « mère des furies ».

Le fusain fait partie de la famille des Célastracées (du nom du genre exotique Celastrum), qui comprend 1300 espèces dans le monde. Au sein des plantes à fleurs, cette famille se classe actuellement dans le groupe des Rosidées à ovaire supère et carpelles soudés.

Un arbuste qui se reconnaît aisément

C’est à l’automne que le fusain, arbuste de 3 à 8 mètres de hauteur, attire surtout les regards par ses nombreux fruits roses qui s’ouvrent en laissant voir 4 grosses graines orangées. L’association de ces deux couleurs, rose vif et orange vif, est tout à fait originale dans la flore française, ce qui permet de reconnaître le fusain de loin, au premier coup d’œil ! C’est d’ailleurs à ses fruits modelés par 4 bosses, que le fusain doit son nom populaire de « bonnet d’évêque », de « bonnet de prêtre » ou encore de « bonnet carré » (le terme de « bonnet d’évêque » est plus adapté que celui de « bonnet de prêtre » puisque le rose-violet est la couleur des évêques). Le fruit, rose, déhiscent, est une capsule qui s’ouvre par 4 fentes au milieu des loges (capsule loculicide) ; les graines font alors saillie avec leur tégument épais et fripé, orangé, renforcé par une expansion, l'arillode, à l’un des pôles. Curieusement l’embryon est chlorophyllien !

Rameau de fusain en fruits (à gauche). Le fruit du fusain rappelle par sa forme carrée
et sa couleur rose vif le traditionnel bonnet d'évêque (à droite)

Fusain-Rameau avec fruits1 Bonnet d’éveque2

 

Au printemps, le fusain se reconnaît également facilement dans les haies :

1) par ses fleurs discrètes blanc-jaunâtre de type 4. Le calice est constitué de 4 sépales, la corolle de 4 (parfois 5) pétales en croix, l’androcée de 4 étamines dont les filets partent d’un anneau nectarifère, le pistil enfin de 4 carpelles soudés en un ovaire supère à 4 loges bi-ovulées ;

2) par ses rameaux vert-mat marqués de 4 lignes saillantes qui les rendent presque quadrangulaires d’où le nom vulgaire de « bois carré » ;

3) par ses feuilles opposées, lancéolées, très finement dentées, se colorant en rouge à l’automne.

Morphologie d'un rameau de Fusain d'Europe en fleurs (à gauche) et en fruits (à droite).
Notez sur la coupe de fruit qu'un seul ovule s'est développé en graine.

Fusain-Fleurs Fusain-Rameau avec fruits2

 

Deux espèces indigènes de fusain en France

Le fusain est représenté en France par deux espèces :

1) une espèce commune presque partout jusqu’à 700 m dans les haies (Euonymus europeus, Fusain d’Europe), préférant les sols frais, plutôt calcaires et riches en nitrates ;

2) une deuxième espèce montagnarde (Euonymus latifolius, Fusain à feuilles larges) qui se rencontre essentiellement dans le Jura, les Alpes, l’Aveyron et les Pyrénées orientales, de 500 à 1800 m, sur des sols modérément ses à frais plutôt calcaires.

On cultive également pour constituer des haies Euonymus japonica, à feuilles ovales lancéolées luisantes et persistantes de 5 à 10 cm.

Carte de répartition du Fusain d'Europe (à gauche) et du Fusain à feuilles larges (à droite).

Fusain d’Europe-répartition Fusain à feuilles larges-répartition

 

Un arbuste toxique

La toxicité du fusain est connue depuis longtemps chez l’Homme par les fruits et chez les herbivores par les feuilles. D’après les données anciennes les symptômes de l’intoxication font état de spasmes intestinaux, de forte diarrhée, de fièvre, de troubles circulatoires et, à forte dose, de syncopes et convulsions pouvant entraîner la mort. Curieusement, un arbuste aussi toxique et avec des fruits aussi attractifs n’arrive qu’en 30e position sur la liste des consultations dans les centres antipoison (d’après des données suisses).

Dans la famille du Fusain, on trouve un certain nombre d’autres espèces d’importance toxicologique, dont le khat. Le Khat des Abyssins (Catha edulis) est un arbrisseau à feuilles rappelant un peu le Chêne vert. Il est cultivé au Yémen et en Afrique orientale (Ethiopie, Tanzanie, Somalie…). La mastication de la feuille fraîche est rituelle chez certaines ethnies et elle entraîne une certaine exaltation suspendant le sommeil, ôtant la sensation de fatigue. Cet effet stimulant du système nerveux central est connu depuis longtemps, il est du à des « amphétamines naturelles » dénommées cathamines. Après des effets d’euphorie, le sujet peut ressentir peu à peu des troubles de la personnalité. Si la consommation du khat est interdite en Arabie Saoudite, au Soudan et en Somalie, elle est tolérée au Yémen et en Ethiopie.

Un phytophage attitré du fusain

En raison de sa toxicité naturelle, le fusain résiste à la plupart des phytophages. Il peut néanmoins être attaqué par des chenilles de petits papillons du genre Yponomeuta. Les attaques de l'Yponomeute ne sont pas graves pour l’arbre mais restent spectaculaires en raison d’une forte, voire totale défoliation et de l’« entoilement » de l’arbuste par les soies filées par les chenilles.

Toiles du fusain (à gauche) provoquées par les chenilles d'un papillon de nuit, l'yponomeute (à droite).

Fusain parasité1 Fusain parasité2

 

Un bois « à dessin »

Le bois, jaune clair, homogène à grain fin, rappelant celui du buis, a été utilisé jadis pour fabriquer de nombreux objets domestiques en particulier des fuseaux (usage traditionnel en Espagne).

Les bâtonnets noirs de fusain sont très appréciés des dessinateurs. Il doit sa douceur à la finesse du bois que l’on carbonise en vase clos. Qualité supplémentaire, il ne tache pas les doigts. Signalons cependant que le bois le plus utilisé aujourd’hui est le saule, qui permet une plus grande variété de diamètres. Beaucoup d’artistes ont utilisé le fusain (Vinci, Dürer…) mais peu d’œuvres ont été conservées. Les post-impressionnistes en firent un usage plus approfondi tels Degas, Redon et surtout Seurat qui réalisa, à côté de ses œuvres « pointillistes » la série des « noirs » au fusain. Auguste Allongé fut également l’un des maîtres du fusain au XIXe siècle. Il publia en 1875 un traité sur cet art, traduit en plusieurs langues.

Sait-on également que le charbon pulvérisé est l’un des meilleurs qui soient pour la fabrication de la poudre ?

Boîte à fusains pour dessinateurs.

Boîte de fusains

 

Bibliographie

  • BONNIER Gaston, La grande flore en couleurs, Belin, 1990
  • COUTIN Rémi, Faune entomologique des fusains, Insectes n° 124, 2002
  • FOURNIER Paul, Les quatre flores de France, Lechevalier, 1961
  • FROHNE Dietrich et Coll., Plantes à risques, Tech et Doc, 2009
  • LAUBER Konrad, Flora helvetica, Belin, 2000
  • RAMEAU Jean Claude et Coll., Flore forestière Tomes 1 et 2, IDF, 1989
  • LIEUTAGUI Pierre, Le livre des arbres, arbustes, arbrisseaux, Robert Morel, 1969

 

Régis Thomas, septembre 2010

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