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La Mouette rieuse, une espèce opportuniste en milieu urbain

Auteur et publication : Jean-Pierre Moussus
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Mouette rieuse (Larus ridibundus) en plumage internuptial (Parc départemental de Sceaux, février 2011).
En hiver, l’espèce est reconnaissable à sa tache noire en arrière de l’œil et à son bec rouge-orangé terminé par une pointe noire. Il est facile de distinguer les individus de première année (passant donc leur premier hiver) des adultes. En effet, les premiers gardent au niveau des ailes des plumes brunes tachetées, ce qui est très visible au niveau des petites et moyennes couvertures. Ainsi, l’individu présenté ici est un oiseau de premier hiver.

Mouette_rieuse_Larus_ridibundus_juvénile

 

Mouette rieuse (Larus ridibundus) en plumage internuptial (Parc départemental de Sceaux, février 2011).
Cet individu est également un oiseau de premier hiver. On distingue clairement les plumes de type « juvénile » qui tranchent avec le gris clair du reste de l’aile. Par ailleurs, l’extrémité des rémiges secondaires est noire si bien que le bord postérieur de l’aile est entièrement bordé de noir.

Mouette_rieuse_Larus_ridibundus_juvénile_2

 

Mouette rieuse (Larus ridibundus) en plumage internuptial (Parc départemental de Sceaux, février 2011).
La face supérieure de l’aile droite visible ici est gris clair uni excepté la main qui est blanche. Seules les rémiges primaires les plus externes sont pointées de noir. Cet individu est donc un adulte. On peut également remarquer au niveau de la tête qu’il est en train de muer pour acquérir un plumage nuptial caractérisé par une tête marron foncé.

Mouette_rieuse_Larus_ridibundus_adulte

 

Mouettes rieuses (Larus ridibundus) en plumage nuptial lors de l’accouplement (Parc du Marquenterre en baie de Somme, Mai 2011).
La tête est entièrement marron foncé et l’œil est cerclé de blanc.

Mouette_rieuse_Larus_ridibundus_accouplement

 

Quais de Rhône, quais de Saône, quais de Seine, nombreux sont les bords de cours d’eau, de lacs et d’étangs où l’on peut observer la Mouette rieuse (Larus ridibundus) et écouter ses cris insistants, notamment en hiver. Cette espèce forme d’importantes colonies (souvent plus d’une centaine de couples) en période de nidification. Elle niche au sol dans un nid extrêmement rudimentaire fait de quelques brindilles entassées dans une petite cuvette. Elle conserve une tendance grégaire tout au long de l’année puisqu’en hiver, les individus se regroupent le soir dans des dortoirs, par exemple sur de petits îlots au milieu d’étangs ou en pleine agglomération au sommet de lieux inaccessibles.

Contrairement aux idées reçues, la Mouette rieuse n’est pas une espèce strictement côtière. Elle niche également en milieu continental où elle demeure toutefois inféodée aux milieux aquatiques divers et variés. Mais le plus étonnant dans l’écologie récente de cette espèce est sa capacité à tirer profit des activités humaines, surtout en ce qui concerne sa prise alimentaire. On constate en effet actuellement une augmentation des effectifs de cette espèce en France (depuis 1989) même si la fiabilité des données de comptage est assez faible étant donné le mode de vie grégaire de l’animal. Cette dynamique de croissance des populations de Mouettes rieuses est comparable à celle qui est constatée dans d’autres pays pour d’autres espèces de Laridés (la famille qui regroupe les mouettes et les goélands). Ces espèces sont parvenues à étendre leur distribution jusqu'au cœur des matrices urbaines les plus denses. Les suivis ornithologiques de populations urbaines de Mouettes rieuses ont montré qu’elles demeuraient inféodées au milieu aquatique en ville mais qu’elles exploitaient des ressources alimentaires complètement indépendantes de ce milieu, plus particulièrement les déchets. Il a par ailleurs été montré que des populations de Goélands argentés (Larus argentatus) et de Goélands à bec cerclé (Larus delawarensis), nichant à proximité de décharges à ciel ouvert dépendaient en grande partie de ces zones pour se nourrir. L’exemple des Laridés ayant conquis le milieu urbain peut être considéré comme un cas de facilitation écologique. Ainsi, si les activités humaines sont actuellement souvent mises en cause dans le déclin d’espèces, elles se traduisent également par la progression d’autres espèces du fait de la mise à disposition de nouvelles ressources alimentaires ou de sites propices à la nidification.

Ces nouvelles niches écologiques ne restent pas longtemps vacantes. Une question intéressante que l’on peut se poser est celle des traits d’histoire de vie des espèces qui favorisent leur établissement dans des milieux fortement anthropisés. Il est probable, mais cela demeure encore à être largement démontré, que les espèces dites généralistes, c'est-à-dire possédant une grande niche écologique, soient favorisées dans ce contexte. Cette flexibilité écologique peut reposer sur de nombreux mécanismes parmi lesquels la capacité à digérer une alimentation très variée, une néophobie (appréhension des objets ou situations nouvelles) faible ou encore une capacité de dispersion élevée. L’écologie de ces nouveaux citadins fait actuellement l’objet de nombreuses recherches. Ces espèces viennent s’ajouter à un cortège de spécialistes des milieux urbains qui côtoient l’Homme depuis des millénaires : citons par exemple le Moineau domestique (Passer domesticus) ou le Rat surmulot (Rattus norvegicus) que l’on ne rencontre désormais quasiment plus en dehors des agglomérations. Ces espèces peuvent donc être considérées comme commensales de l’Homme, qu’adviendra-t-il des mouettes ?

Pour en savoir plus

  • BELANT (1997). Gulls in urban environments: landscape-level management to reduce conflict. Landscape and urban planning, vol 38, p 245-258.
  • MACIUSIK, LENDA et SKORKA (2010). Corridors, local food resources, and climatic conditions affect the utilization of the urban environment by the Black-headed Gull Larus ridibundus in winter. Ecological research, vol 25 p 263-272.

 

Jean-Pierre Moussus, janvier 2012